Le phare de l’ile aux Œufs est une construction en bois, de forme octogone. Ses feux, visibles à une distance de quinze milles, brillent à la hauteur de 37 pieds au-dessus du rocher, et d’environ 70 pieds au-dessus du niveau de la marée haute. Ils comprennent quatre lampes à pétrole. Le phare est tournant. En temps de brouillard, où la lumière ne peut être aperçue, les navigateurs font comme ils peuvent ! car le phare n’est pourvu d’aucun appareil pour les avertir du danger. Ce phare est allumé du 1er avril au 10 décembre. M. Paul Côté en est le « gardien » depuis le commencement, c’est-à-dire, depuis plus d’un quart de siècle. C’est le type du vrai Canadien-Français, « poli, galant, hospitalier », aimant « à rire, à s’égayer ». Doué, d’une bonne voix, et parfaitement initié à tous les secrets du plain-chant, il est le chantre en vogue dans toutes les chapelles des environs, où d’ailleurs la concurrence n’est pas d’une grande intensité.
J’emprunte à M. Faucher de Saint-Maurice le récit d’un trait d’héroïsme qui fait grand honneur à M. Côté et à sa famille : « Chaque année, du premier avril au vingt décembre, le phare de l’île aux Œufs doit être allumé. Du côté de la mer, il offre une lumière blanche, tournante, visible à quinze milles, et qui donne un éclat chaque minute et demie. Tous les navires savent si la rotation d’un phare à feu changeant doit se faire avec une précision mathématique. Autrement, il peut y avoir erreur. Une lumière est prise pour une autre, et un sinistre devient alors la fatale conséquence du moindre retard apporté dans le fonctionnement de la machine. Or, une nuit, vers la fin de l’automne de 1872, le pivot de la roue de communication de mouvement qui s’abaisse, de manière à ce que les roues d’angle engrènent convenablement, se cassa. La saison était trop avancée pour faire parvenir la nouvelle à Québec et demander du secours au ministère de la Marine. Force fut donc de remplacer la mécanique par l’énergie humaine, et le gardien, aidé par sa famille, se dévoua. Pendant cinq semaines[1], cet automne--
- ↑ Le souci de l’exactitude me force à corriger ici M. Faucher de Saint-Maurice