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LABRADOR ET ANTICOSTI

sentir ! Il se dégage, en effet, de ces foyers de putréfaction des odeurs inexprimables. Les pauvres microbes qui travaillent là-dedans ! — Les brises parfumées qui d’aventure arrivent des grands bois du Nord ne sont plus reconnaissables quand elles ont passé par ces endroits.

Les cadavres d’élégants petits poissons, ces têtes de morues, qui gisent partout, font l’effet le plus lugubre. Grands yeux éteints des morues, rictus effrayants de bouches de poissons morts… Autant de choses horribles qui appelleraient le style naturaliste.

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Laissant là ce sujet de peu agréable nature, constatons qu’ici encore il n’y a pas d’école. Ce qui complique la situation, c’est que la population de langue anglaise et celle de langue française réclamant chacune une école où l’on enseignerait sa langue maternelle. Il s’agit donc de trouver une institutrice capable de répondre, en fait de langue, à des exigences de cette sorte. Il est à espérer que, à force de persévérantes recherches, on y réussira ou plutôt qu’on y a réussi depuis notre séjour en ces lieux.

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Sur toutes les plages où il m’a été permis d’aller promener mes rêveries, il m’a toujours été impossible de me rassasier de la vue des vagues qui venaient y mourir. À Sheldrake, j’ai eu de quoi satisfaire à cette innocente curiosité. Sur ce rivage il y a de distance en distance des masses rocheuses qui s’avancent dans la mer, et qui laissent entre elles de petites anses dont la rive en pente légère forme une batture de sable très étendue. Soit à raison de cette longue déclivité du plain, comme on dit ici, soit à cause des rochers qui bordent ces petites criques, la mer est très agitée à Sheldrake, et il n’est pas toujours commode pour les barges et les canots d’y aborder. Mais, qu’il est beau de voir