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LABRADOR ET ANTICOSTI

Vendredi, 5 juillet. — Il y a plus de trente ans que l’on s’est établi à la Longuepointe. La population qui y réside est venue principalement de la baie des Chaleurs. Le village d’autrefois était placé plus à l’est que le village actuel. Un jour, une violente épidémie de petite vérole sévit parmi les habitants du lieu, et l’on crut devoir s’éloigner de l’endroit où elle avait fait tant de ravages. On brûla toutes les constructions qui s’y trouvaient. Le seul vestige qui reste de cet établissement, c’est un vieux cimetière que l’on y voit encore.

Au témoignage des anciens, la Longuepointe n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était il y a une vingtaine d’années. En ce temps-là, plusieurs « bourgeois » y faisaient en grand l’exploitation de la pêche, et l’on y comptait jusqu’à trois ou quatre cents barges employées à cette industrie, tandis qu’à présent il n’y en a que dix-huit. À cette époque de prospérité, la grande préoccupation était de trouver de l’espace pour les vigneaux, qu’il fallait placer sur le travers, c’est-à-dire perpendiculairement au rivage. Puis vinrent les mauvaises années, où la pêche ne donnait presque rien, et peu à peu les gens émigrèrent en d’autres endroits.

Mais la morue paraît être revenue en assez grande abondance sur ces bancs de pêche, puisqu’on m’assure qu’en 1894 aucun endroit de la Côte Nord n’égala la Longuepointe comme place de pêche. Durant l’été, on prend la morue à trois milles de terre, tandis qu’au printemps il faut s’éloigner jusqu’à une quinzaine de milles au large

Ce qui augmente encore les conditions favorables à la Longuepointe, c’est l’abondance du capelan et du lançon qu’il y a tout près du rivage. C’est ici que les pêcheurs de Saint-Jean, et même parfois ceux de Magpie, viennent s’approvisionner de bouette.

Il n’y a maintenant à la Longuepointe qu’un « bourgeois », M. John Vibert, natif de Jersey, qui arriva ici en 1871. Il fait aux pêcheurs des avances de provisions, reçoit d’eux la morue qu’ils ont préparée et la vend à la Compagnie Robin. Ici, les pêcheurs,