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LABRADOR ET ANTICOSTI

Je ne dis rien ici du « West Point », où nous devons revenir et séjourner peut-être en attendant le bon plaisir du vent.

Après dîner, nous remontons en voiture afin de nous rendre à Saint-Ludger de l’Anse-aux-Fraises[1], à quatre milles de distance. Mais il n’y a plus d’autre chemin que la grève ; et cette grève n’étant qu’un rocher continu en pente légèrement inclinée, le trajet est assez fatigant. La mer y apporte de grandes quantités de goémon, qui remplace avantageusement les déchets de poisson pour engraisser les terres.

Le missionnaire de l’île d’Anticosti, qui est actuellement (1895) M. l’abbé A. Villeneuve, réside à l’Anse-aux-Fraises, d’où il se rend, tous les quinze jours, à la Baie-des-Anglais pour y donner la mission. Cette desserte alternative de deux postes assez rapprochés, ce n’est pas un ministère bien pénible. Mais, une fois par année, il faut faire le tour de la grande île, pour s’arrêter à tous les endroits où il y a quelque famille catholique[2], et ce n’est pas absolument un voyage de plaisir. Au printemps de 1895, M. Villeneuve a mis un mois entier à faire ce voyage, seul avec un navigateur, dans une petite embarcation. Il est difficile d’imaginer les privations, les fatigues et les dangers d’une excursion de ce genre.

Bien qu’il y ait ici un missionnaire résidant, il n’en faut pas conclure qu’il y a aussi un presbytère. Les richesses colossales du clergé, dont certains hâbleurs du journalisme entretiennent parfois leurs pauvres lecteurs, sont encore plus « fabuleuses » ici qu’ailleurs. Ces petites Missions ne peuvent fournir à peu près aucunes ressources pour le soutien du prêtre qui s’occupe de leurs intérêts spirituels. Par bonheur, un brave pêcheur de l’Anse-aux-Fraises, M. J.-P. Doucet, qui jouit d’une certaine aisance, donne au missionnaire, pour un prix à peu près nominal, le logement et la pension. Il a même ajouté une aile à sa maison, pour fournir au prêtre un appartement plus commode.

  1. Statistiques — Population : familles, 14 ; 104 personnes, dont 06 communiants. 10 confirmés. École fréquentée par 20 à 25 enfants.
  2. En dehors des deux Missions, il n’y avait en 1895, dans le reste de l’île, que 6 familles catholiques, et 10 familles protestantes.