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LABRADOR ET ANTICOSTI

Celui-ci, qui n’a pas fréquenté longtemps les écoles, qui n’a jamais reçu les leçons d’un professeur de littérature, charme ses loisirs en rédigeant un journal de ce qui arrive d’intéressant dans ces parages du Labrador ; et, quelles qu’aient été les lacunes de son éducation première, il écrit de fort jolie façon, et mieux que ne feraient bien des gens qui ont étudié. Cela prouve, à sa louange, que le talent d’écrire peut très bien exister indépendamment de la culture littéraire, sans laquelle pourtant il ne peut guère donner sa mesure.

Vers le soir, nous passons vis-à-vis la Longuepointe, d’où nous sommes partis pour traverser à l’île d’Anticosti. On nous a bientôt reconnus, et alors, tant que nous sommes en vue, c’est une fusillade ininterrompue qui, de tous les points du hameau, nous salue au passage.

* * *

Enfin, à huit heures du soir, nous arrivons à Mingan, qui est le siège de l’une des plus importantes Missions sauvages qu’il y ait sur la Côte Nord. Nous sommes encore assez au large, que déjà toute la tribu est assemblée sur le rivage. Quant aux guerriers, ils sont rangés un peu à l’écart, sur une longue ligne, et une fusillade bien nourrie signale aussitôt l’arrivée du Grand Chef de la prière. Comme nous descendions sur le plain, nous y fûmes accueillis par M. Geo. Duberger, garde-pêche de la division de Mingan (qui s’étend de Sheldrake à la Pointe-aux-Esquimaux). M. Duberger, qui passe ici l’été depuis longtemps, a quelque teinture de la langue montagnaise, et il peut donner aux sauvages des renseignements sur le programme qui va s’accomplir.

Pour commencer, nous donnons la main à tout le monde, hommes, femmes et enfants : cette « réception », exécutée en plein rivage, est une corvée qui en vaut la peine, puisque trente-cinq familles de Montagnais sont en ce moment réunies à Mingan ; mais l’étiquette actuellement en usage chez les