aussi large hospitalité qu’on l’était autrefois. Il faut aller au Labrador pour retrouver les belles vertus de nos ancêtres.
On y voit aussi régner ensemble la sobriété et la frugalité. Là, on ne rencontre pas un débit d’alcool à toutes les portes, ni à tous les villages. Il n’y en a pas un seul sur toute la Côte. Lorsque, dans ce pays, on souffre du froid, quand on se sent fatigué, on prend un bol de thé bien chaud, d’une « force terrible » et tout est dit. La vigueur et la douce chaleur vitale s’en reviennent à l’instant, incapables de résister à un appel si énergique et qui se renouvelle fréquemment. Quand même l’on cesserait, partout ailleurs, de boire du thé, je crois que la clientèle de nos pêcheurs suffirait encore à procurer des profits raisonnables aux Chinois de Hong-Kong ! Il est vrai que si l’hygiène apprenait que là-bas on boit tant de thé, elle ferait beau tapage, elle qui n’est jamais contente de rien, elle qui trouve en tout matière à gourmander les gens ; mais nous ne lui en parlerons pas.
On a dit — pourvu que ceci ne soit pas encore un tour de cette hygiène qui nous poursuit sans cesse — on a dit que, depuis le sixième jour de la création, la table a tué plus de gens que la guerre. C’est peut-être vrai ailleurs, mais bien peu sur la Côte Nord, où l’on ne meurt guère que de vieillesse.
Il faut reconnaître que la cuisine y diffère beaucoup de la nôtre. On n’y trouve pas tout ce qu’il faut pour confectionner les menus auxquels nous sommes habitués. Sans doute, pas un Vatel ne s’y est encore suicidé à cause du retard de la marée, qui est bien ce qui manque le moins en ce pays-là ; mais il y manque bien d’autres choses. Vous partez pour vous établir au Labrador ? Faites vos adieux au sanglant rosbif, au tendre bifteck, à la côtelette légère, à l’appétissante cuisse de poulet, à la grasse saucisse, à l’œuf à la coque, à la crème douce ! Vous ne verrez de tout cela que de loin en loin, en un pays où