les races bovine, ovine, porcine, n’ont, ainsi que les oiseaux de basse-cour, que de très rares représentants.
On ferait donc bien maigre chère, sur la Côte, si l’on n’y recourait beaucoup aux conserves de viandes diverses. Et encore ce palliatif n’est pas du goût de tout le monde. Il y a bien les divers gibiers de plume, outardes, canards, moyac, etc., mais ce n’est pas une ressource sur laquelle on puisse toujours compter ; et, sur ce chapitre aussi, il y a des estomacs récalcitrants. L’hiver, on voit plus souvent de la viande fraîche, grâce au lièvre et à la perdrix qui abondent généralement. Parfois une chasse plus heureuse, où l’on aura abattu un ours, un caribou, un porc-épic, permettra de varier davantage le menu ordinaire.
C’est durant l’été que le démon de la gourmandise fait le plus d’affaires au Labrador. C’est alors que l’on fait bombance, sur toute la Côte, d’une inimaginable façon ; on y est aux noces tous les jours. Cela veut dire que l’on a alors du poisson frais tant que l’on veut. Et la sage et bonne Providence ayant ainsi arrangé les choses, que les espèces diverses de poissons viennent successivement s’offrir à l’industrie des pêcheurs, il en résulte que non seulement l’on n’a à s’occuper de la pêche et de la préparation que d’une sorte de poisson à la fois, mais encore que de mois en mois ces mets succulents viennent l’un après l’autre former le fond du festin. Cela commence, au printemps, par le hareng ; ensuite vient le saumon, et enfin la morue qui reste jusqu’à l’automne, alors que le hareng fait une seconde apparition. Mortels, qui que vous soyez, grands ou petits, riches ou pauvres, si vous n’avez jamais goûté ces délicieux poissons cuits dans les premières heures qui ont suivi leur capture, vous ignorez encore ce que c’est qu’un plat exquis ! Si vous en avez déjà fait l’expérience, c’est tant pis ; car alors, pendant le reste de vos jours, chaque fois que vous y penserez seulement, l’eau vous en viendra à la bouche.
Voilà les délices gastronomiques que l’on peut savourer au Labrador.
Je sais bien que tout cela perd de sa poésie, quand l’on en a