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TOPOGRAPHIE DU LABRADOR ORIENTAL

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Les îles du Labrador. — À Kégashka commence une longue traînée d’îles, qui se continue jusque près de l’entrée du détroit de Belle-Isle. Il y en a de grandes, mais la plupart ne sont que des îlots qui se pressent sur plusieurs rangs le long de la côte et parfois jusqu’à douze ou quinze milles au large. À voir sur la carte cette poussière d’îlots accumulés vers la côte du nord, on dirait des balayures du golfe que la furie des vents du sud-ouest aurait rejetés sur son rivage.

Assurément, voilà une bordure dont la côte se passerait bien ! Assurément, rien n’offre plus d’inconvénients que l’existence de toutes ces îles placées si près de terre et qui ne sont que des rocs dénudés !

Eh bien, c’est tout le contraire qui est vrai ! Et nos pêcheurs de là-bas seraient au désespoir si leurs îles leur étaient enlevées par quelque soudain et effrayant cataclysme.

Nous ne sommes pas toujours assez éclairés pour comprendre dans ses détails la sagesse dont le Créateur a marqué toutes ses œuvres. Mais ici on peut toucher du doigt, pour ainsi dire, la bonté d’une Providence qui s’est plu à répandre partout ses bienfaits.

Pas plus, et même moins encore, que dans le Labrador supérieur il n’y a ici de chemin d’ouvert sur la côte. Il est même fort probable qu’il s’écoulera un très grand nombre d’années avant que le chemin maritime de la Côte Nord, que nos gouvernements se décideront sans doute un jour à tracer le long de ce rivage, soit prolongé jusqu’à ce territoire si lointain. Eh bien, en attendant, nos pêcheurs voyagent aisément dans leurs petites embarcations entre ces îles et la terre ferme. La tempête fait rage sur la mer ; les vagues s’y soulèvent, comme des montagnes, sous l’effort des vents les plus furieux ; mais tout ce tapage vient se briser sur le rempart des milliers d’îles qui bordent la côte, et la petite barge du pêcheur navigue en toute sécurité, comme sur l’onde paisible de ces rivières qui coulent à travers nos belles campagnes.