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Page:Huard - Labrador et Anticosti, 1897.djvu/80

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LABRADOR ET ANTICOSTI

avait, ce soir-là, me semblait-il, des supplications plus touchantes encore que d’habitude. Le pontife, au nom de l’Église, demandait au Père céleste de pardonner à tous ces trépassés et de les recevoir au séjour du bonheur qui ne finira jamais.

Et pendant que les vivants se souvenaient ainsi des morts, pendant que le Chef de la prière bénissait pour la dernière fois les tombeaux du cimetière sauvage, le vent du soir avait lui-même suspendu son souffle. Mille feux s’étaient allumés partout là-haut, et l’astre mélancolique des nuits lentement montait à l’horizon, projetant en travers du Saint-Laurent, comme un gigantesque pont d’argent, sa longue traînée de pâle lumière. — Inoubliable soirée, où le cœur, rempli des consolatrices pensées de la foi, impressionné des magnificences de la nature, s’élevait tout seul vers notre Père qui est aux cieux !…

* * *

Au matin du 30 juillet, tous les habitants de la bourgade étaient rassemblés sur le rivage pour recevoir encore une fois la bénédiction de celui qui était venu les visiter au nom de Dieu, et qui les quittait pour porter à d’autres âmes la parole évangélique et les dons du Saint-Esprit.

En faisant nos adieux à ces bons Montagnais, nous rencontrâmes un vieux sauvage, Jérôme Saint-Onge, qui n’avait pas été à Chicoutimi depuis cinquante ans. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des gens dont le plus récent voyage à Chicoutimi date d’un demi-siècle. Ce vieillard avait assisté, en ce temps-là, aux exercices de la mission annuelle, donnée dans la chapelle des Jésuites qui existait encore, à cette époque, au poste de Chicoutimi.

À cette date reculée, il n’y avait pas de gare de chemin de fer, ni d’usine électrique dans la capitale du Saguenay. C’est à peine si l’on y voyait quelques pauvres cabanes.

Pendant que la fusillade d’honneur fait beau tapage tout le long de la rive, les canots d’écorce volent sur les eaux et nous