Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/10

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Le problème de ses origines était magistralement traité dans la Religion of Semites de Robertson Smith[1]. D’autre part, M. Frazer[2] avait attiré l’attention sur ces intéressants personnages, à la fois rois, prêtres et dieux, qui figurent dans tant de religions et dont la mort ou le meurtre périodique est un véritable sacrifice, de l’espèce que nous appelons sacrifice du dieu. Le Golden Bough nous expliquait la nature et la fonction de ces personnages dont il décrivait une imposante collection. Mais les théories de ces auteurs nous paraissaient soulever de graves objections et, d’ailleurs, les recherches que nous avions entreprises, sur la prière et sur les mythes, nous amenaient à nous poser directement la question.

Les recueils de prières les plus considérables dont nous disposions, Psaumes[3] et Vedas[4] tout particulièrement, sont formés de prières normalement attachées à des sacrifices. Il y a plus : le principe de toute prière est l’efficacité reconnue au mot. Or, l’efficacité du mot nous paraissait alors si étroitement dépendante de celle du rite manuel que, à tort il est vrai, nous avions peine à concevoir des prières qui ne fussent point sacrificielles. En tous cas, pour isoler la part d’efficacité qui revient au rite oral dans un rite complexe, il nous fallait analyser celle du rite manuel. Des sacrifices, comme ceux de l’Inde et d’Israël, longuement décrits et commentés par ceux-là même qui les pratiquaient, se prê-

  1. Robertson Smith, Religion of Semites, Burnett Lectures, 1re  édition 1890, 2e  édition 1894.
  2. G. Frazer, Golden Bough, 1re  édition, 1890 (seule citée dans le mémoire sur le Sacrifice, publié plus loin) ; 2e  édition, 1900, seule citée dans les autres mémoires et dans cette préface.
  3. Nous donnons plus loin (Sacrifice, p. 46, n. 1) quelques références qui renseignent sur le rattachement des psaumes rituels au culte du temple.
  4. Sur les Vedas, considérés comme recueils des hymnes et formules du sacrifice, voy. plus loin p. 8, n. 1. Cf. Weber, Vorlesungen über Indische Literaturgeschichte, p. 9 : c’est à la suite de ce savant qu’on a progressivement cessé de considérer les Védas, le Ṛg Veda en particulier, comme des recueils de mythes mis en vers.