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taient tout particulièrement à la recherche du mécanisme et de l’efficacité d’un rite.

L’étude des mythes nous amenait aussi à celle du sacrifice. Nous répugnions à voir dans ceux-ci des maladies du langage ou des fantaisies déréglées de l’imagination individuelle. Nous nous méfiions également des naturistes, qui voient partout des symboles, et des animistes, qui voient partout des rêves. Les mythes nous paraissaient avoir une valeur pratique ; ils sont empreints de véracité, de certitude, de constance. Nous pressentions la logique de leur agencement et la nécessité de leurs thèmes. Or, en règle générale, ils sont commémorés dramatiquement dans des fêtes, où la présence de leurs acteurs divins est une présence réelle ; dans nombre de mythes, où les dieux meurent pour renaître, se suicident, se combattent, sont tués par leurs proches parents, qui se distinguent à peine d’eux-mêmes, sont alternativement victimes et sacrificateurs, l’histoire divine correspond, quelquefois expressément, à des sacrifices rituels dont elle justifie théologiquement la célébration. Il fallait donc étudier le sacrifice pour trouver les raisons qui ont imposé ces thèmes sacrificiels à l’imagination religieuse. Prenant sur le fait la formation d’un thème mythique nous faisions un pas vers l’explication générale des mythes.

Enfin l’étude simultanée des thèmes mythiques et des thèmes rituels du sacrifice, nous révélant le mouvement parallèle du mythe et du rite, nous éclairait en même temps sur la croyance qui s’attache au mythe et sur l’efficacité attendue du rite. En effet, le mythe n’est pas fait seulement d’images et d’idées, le rite de gestes volontaires, dépendants des idées, mais, de part et d’autre, figurent des éléments identiques ; ce sont les sentiments nombreux et forts qui se jouent dans les sacrifices. L’analyse d’exemples bien choisis pouvait, espérions-nous, montrer à la fois les causes, le développement et les effets de ces sentiments.