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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/134

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est aisé de prévoir que le sacrifice ne saurait être le même quand il est fait en vue du sacrifiant lui-même ou d’une chose à laquelle ce dernier porte intérêt. Les fonctions qu’il remplit doivent alors se spécialiser. Voyons quelles différenciations se produisent de ce chef.

Nous avons appelé personnels les sacrifices qui concernent directement la personne même du sacrifiant. De cette définition il résulte qu’ils présentent tous un premier caractère commun : puisque le sacrifiant est l’origine et la fin du rite, l’acte commence et finit avec lui. C’est un cycle fermé sur le sacrifiant. Sans doute, nous savons bien qu’il y a toujours au moins attribution de l’esprit de la chose sacrifiée au dieu ou à la puissance religieuse qui agit dans le sacrifice. Il reste pourtant que l’acte accompli par le sacrifiant lui profite d’une façon immédiate.

En second lieu, dans toutes ces sortes de sacrifices, le sacrifiant, à l’issue de la cérémonie, a amélioré son sort, soit qu’il ait supprimé le mal dont il souffrait, soit qu’il se soit remis en état de grâce, soit qu’il ait acquis une force divine. Il y a même un très grand nombre de rituels où une formule spéciale, soit à la sortie, soit au moment solennel de la sacrification, exprime ce changement, ce salut qui survient[1], la façon dont le sacrifiant est transporté dans le monde de la vie[2]. Il arrive même que la communion détermine comme une aliénation de la personnalité. En mangeant la chose sacrée où le dieu est censé résider,

  1. On sait que c’est un thème fondamental des Prophètes et des Psaumes que cette « mort » où est plongé le fidèle avant le retour de Iahve (Cf. Ézéch. XXXVIII, 2 ; Job, XXXIII, 28, et commentaire in Talm. J., Baba qamma, VI, 8, 4, Gem.). — Voir Ps. CXVI en entier et CXVII à partir de 17 : « Je ne mourrai point, mais je vivrai, etc. » Nous nous dispensons de rappeler les formules catholiques de la messe.
  2. Dans l’Inde, tout le monde, au sacrifice, est réputé vivre dans ce monde nouveau. Quand on fait lever le sacrifiant assis, on lui dit : « Debout, dans la vie ». Pendant qu’on va, portant une chose sacrée, la formule est : « Va le long de la vaste atmosphère » (T. S., 1, 1, 2, 1). Au début de tous les rites, un des premiers mantras est « Toi pour le suc, toi pour la sève » (T. S., 1, 1, 1, 1). — Et, à la fin du sacrifice, la régénérescence est totale (cf. plus haut, p. 69, n. 4).