Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans la tribu des Mara[1], voisine, au Nord, de celle des Warramunga, le pouvoir magique vient de deux grands esprits (dieux) célestes[2], auxquels le néophyte offre une sorte de culte sacrificiel ; il brûle dans un lieu désert une masse de graisse de différents animaux, faisant monter la fumée vers l’Ouest, où ces esprits vivent. Ils descendent du ciel, disent à l’homme de ne pas avoir peur, car ils ne veulent pas « le tuer tout à fait ». Ils le mettent néanmoins « presqu’à mort », lui ouvrent le corps et remplacent tous ses viscères « par ceux de l’un d’entre eux ». Puis ils le ressuscitent, et tout se passe comme dans les tribus précédentes.

Les docteurs des Binbinga[3], tribu limitrophe de la dernière, au sud du golfe de Carpentarie, sont initiés par deux esprits transcendants, dont l’un est certainement l’incarnation même de la magie, et dont l’autre paraît n’être qu’un pâle dédoublement du premier, dont il est le fils[4]. C’est le vieux dieu qui tue le sorcier dont nous possédons le récit, lui enlève tous les organes internes, et leur substitue ceux de son propre corps ; il introduit en même temps un certain nombre de pierres sacrées, qui sont évidemment les symboles du pouvoir magique (cristaux de roche ?). C’est le jeune dieu qui le ressuscite, lui montre les secrets magiques, l’emmène au ciel, enfin le fait retomber près du camp. Pendant longtemps le nouveau magicien reste dans un état de stupéfaction.

Il est bien possible que deux des thèmes mystiques clairement exprimés chez les Binbinga, la montée au ciel et l’introduction des cristaux, ne manquent qu’au récit et non pas aux croyances concernant les magiciens Mara. En effet,

  1. N. T. C., p. 488.
  2. Cf. N. T. C., p. 754, 501, p. 628.
  3. N. T. C., p. 487, 488.
  4. Cf. N. T. C., p. 754 et 501. L’expression d’esprits malfaisants est excessive pour l’un d’entre eux. L’esprit fils porte le nom générique de « magicien », Munkaninji.