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nous savons qu’ils ont le pouvoir de monter au ciel et de causer aux étoiles[1], et, d’autre part, l’absence de pierres magiques données au sorcier ou disposées dans son corps est relativement invraisemblable. Nous ne doutons donc pas qu’une observation plus approfondie ne mette en lumière le rôle que ces idées doivent jouer dans ce cycle de notions Mara.

Mais ici, nous touchons à une forme intéressante de la mythologie magique. Ces intestins de l’esprit qui deviennent ceux du magicien ne sont là que pour figurer simplement l’identité désormais acquise du magicien et de l’esprit. De plus on doit remarquer que, chez les Binbinga, le nom de l’esprit faiseur de magiciens et celui de magicien sont les mêmes[2]. Le magicien est un esprit, il est même l’esprit par excellence. Un fait de ce genre nous est nettement décrit ; il se trouve dans une tribu du Queensland central N. W., qui n’est pas trop éloignée des tribus précédentes, celle du Cape Bedford : certains vieillards, qui prétendent être des hommes-médecine, portent le nom de Dambun, nom qui est justement celui d’un « esprit de la nature », lequel est, d’ailleurs, l’esprit initiateur des sorciers d’une autre tribu, celle de la Rivière Mac-Ivor[3]. La physionomie de ces esprits de la nature auxquels s’assimile le magicien est assez indéfinie, et leur image n’est pas des plus simples. Pour notre part, nous serions assez disposés à voir en eux des personnalités mythiques fort vagues, du genre du grand serpent d’eau qui est l’objet d’un culte sur les points les plus divers de toute la civilisation australienne. Peut-être aussi ressemblent-ils beaucoup aux Iruntarinia des Arunta, esprits qui sont à mi-chemin entre les âmes d’ancêtres, les esprits animaux de l’espèce totémique et les esprits de la nature. Nous ne savons au juste.

  1. N. T. C., p. 488, cf. plus haut, p. 5, n. 11.
  2. Voir plus haut, p. 164, n. 4.
  3. M. Roth. Superstition, Magic, etc., p. 30, sect. 120. Le texte est sommaire et basé sur des témoignages frustes.