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Nous nous rapprocherons davantage encore de cette théorie du temps considéré comme échelle des tensions de la conscience, si nous essayons de nous rendre compte, avec un peu plus de précision, de ce que sont les qualités qui, pour la magie et pour la religion, entrent dans la composition de la notion du temps. Pour aborder cette étude par son côté le plus accessible, ne considérons provisoirement que les qualités différentielles des parties du temps. Moments ou durées, leurs qualités ne sont définies que par les faits avec lesquels ils sont nécessairement et constamment en relation positive ou négative. Il y a, d’un côté, des phénomènes naturels, astronomiques ou autres, choisis comme jalons du temps, ou des nombres, qui expriment la longueur théorique des périodes[1] ; de l’autre, il y a des représentations, que la récurrence des premiers termes entraîne ou repousse nécessairement, et des actes, qu’on accomplit ou qu’on évite pour réaliser, autant qu’il est en soi, les associations crues nécessaires. Les éléments ainsi associés sont intimement unis, l’un entraîne l’autre, et tant que dure le premier, dure le second[2]. Ce système de relations est, à proprement parler, un système de signatures. Les dates sont, en tant que telles, le signe et la signature des choses qui s’y passent[3], au même titre que telle conjonction de planète est la signature de tel événement ou de tel rite. Ainsi, qualités différentielles du temps et signatures temporelles sont des expressions équivalentes. En cher-

  1. Cf. pour le symbolisme numérique, Lydus, De mensibus, I, 15 ; II, 6.
  2. Talmud Babli, Sanhedr. 41 b, 42 a (hésitations relatives à la longueur réelle de la période pendant laquelle doit se prononcer la bénédiction de la nouvelle lune) : cité par Fr. Bohn, Der Sabbat im Alten Testament, p. 35. Les deux jours de Rosch haschana ayant donné lieu aux mêmes hésitations sont considérés comme étant « d’une seule sainteté », Buxtorf, Synagoga judaïca, p. 494.
  3. Lydus, De mensibus, III, 5, 9, 10. Cf. la tentative faite pour fixer la date de Pâques à un jour déterminé du calendrier julien, le 25 ou le 27 mars : Kellner, o. l., p. 39. Cf. Revue des traditions populaires, 1904, p. 118, 218, 244, 248, 301, 432.