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à ses parties, moments ou périodes, la qualité d’être sacrées. Elles ont mis le sacré dans le temps et constitué ainsi la chaîne ininterrompue d’éternités, le long de laquelle leurs rites pouvaient se disperser et se reproduire en restant immanquablement identiques.

VIII

Les expressions dont nous venons de nous servir ne peuvent être satisfaisantes qu’à la condition de supposer que, en dehors de ce travail collectif qui donne au temps de la magie et de la religion sa valeur qualitative, les individus sont pourvus d’une notion de temps qu’ils ont abstraite chacun pour soi de leur conscience. Mais, parmi les expériences subjectives qui les ont instruits, il faut nécessairement compter celles qui se sont produites au milieu de la collectivité exaltée. On sait déjà avec quelle objectivité se dégage, par abstraction, de ces états d’exaltation, sous des formes semi-concrètes ou tout à fait concrètes et personnelles, la représentation subjective, la conscience du pouvoir magique. Tout ce qui, dans les mêmes conditions, est l’objet de la même attention intense se prête aux mêmes phénomènes d’abstraction et de généralisation ; on les voit se produire dans la série des associations sympathiques, mais à des degrés divers d’élaboration[1]. Pour ce qui est du temps, de même que, de la conscience d’efficacités particulières, a surgi la notion générale du mana, qui est l’ordre des efficacités, de même, de la perception aiguë des concomitances changeantes, s’est dégagée peut-être la notion générale du temps, qui est l’ordre des concomitances possibles. Les faits de conscience dont il s’agit sont objectivés, parce qu’ils se passent à la fois dans la conscience de plusieurs, qui ont con-

  1. H. Hubert et M. Mauss, La Magie, l. l., p. 61, sq.