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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/110

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une institution : « c’est l’exemple du danger d’un couteau dans la main d’un enfant[1] ».

On ne nie pas que la torture soit douloureuse ; « mais la prise de corps aussi est douloureuse, l’interrogatoire aussi. Faudrait-il pour cela les supprimer[2] » ? Puis, si elle est douloureuse, elle ne met pas la vie en danger, l’humanité n’a donc pas sujet à pouvoir se plaindre[3] ». Quant aux tourments que l’innocent aura injustement subis, le Grand Conseil de Malines en prend son parti avec une superbe sérénité : « C’est un malheur que l’innocent doit souffrir et en faire le sacrifice au bien public[4] ». Et même, peut-on bien dire qu’il y aura des innocents torturés ? « Ce ne seront point des innocents qui méritent la protection de la société civile, mais des suspects, dangereux à cette société[5] ». En effet, et c’est ainsi qu’on réfute le fameux dilemme de Beccaria, il n’y a pas seulement des coupables et des innocents ; entre les deux « il y a le véhémentement suspect[6] ». Pour détruire l’effet des arguments développés par le publiciste italien, dont l’esprit se retrouve dans plusieurs passages du mémoire de G. de Fierlant, quelques corps de justice ont reproduit de longs passages de Muyart de Vouglans[7]. On en trouve qui soutiennent gravement que la confession de l’accusé mis à la question n’est pas une confession forcée, « puisqu’elle doit être répétée librement[8] ».

  1. Avis du Fiscal de Hainaut, Ibid., 163.
  2. Id., Ibid., 143.
  3. Avis du Grand Conseil de Malines, Ibid., 59. Ce jugement optimiste est singulièrement contredit par l’avis des médecins de la ville de Mons que nous reproduisons aux pièces justificatives, n° VIII.
  4. Avis du Grand Conseil de Malines, Ibid., 61.
  5. Id., Ibid., 58, 59.
  6. Id., Ibid., 61.
  7. Voir surtout l’avis du Conseil de Namur, Ibid., 215. Le Conseil de Namur est cependant quelque peu embarrassé parce que, vers 1730, il est arrivé dans son ressort qu’un accusé a été mis à la question, bien que le crime relevé contre lui ne fût pas capital : « Cela n’est pas provenu de ce que cette justice ignoroit la façon ni les précautions qu’un juge doit prendre dans l’instruction d’une procédure criminelle quand il est question de la torture, mais bien de ce qu’elle n’avoit pas réfléchit qu’on ne condamne à la question que quand le crime est capital ». Ibid., 213.
  8. Avis du Fiscal de Hainaut, Ibid., 146.