Nous avons vu dans le chapitre premier ce qu’il faut penser de celle libre réitération de l’aveu !
Il est cependant un fait qui embarrasse les magistrats routiniers : c’est l’abolition de la torture réalisée depuis assez longtemps dans plusieurs États. Aussi s’efforcent-ils de réduire l’importance de cette constatation : « Si l’Autriche, la Prusse, la Suède et la Russie ont aboli la torture, on ignore, ce que l’auteur assure, qu’il ne s’y commet pas plus de crimes qu’auparavant, et cela n’est pas concevable[1] ». D’autres vont plus loin : « Les » feuilles publiques nous ont instruit du dangereux effet que cette abolition a produit en 1774, en Suède, où il ne fut pas possible d’extirper pareilles bandes[2] ». Enfin, que la torture soit abolie dans certains pays, et que cette abolition soit demeurée sans effet nuisible sur la criminalité, cela n’importe guère : « ces exceptions ne servent qu’à mieux confirmer la règle générale[3] ».
Les conclusions des Conseils, dont nous venons de relever les avis, peuvent se résumer en ceci : La torture est nécessaire ; pour qu’elle soit sans danger, il suffit de donner de bonnes instructions aux tribunaux, de leur recommander la modération dans son emploi, et on ferait peut-être bien d’en réserver l’usage aux Conseils de justice et aux échevinages des chefs-villes, à l’exclusion des juridictions subalternes et des échevinages ruraux[4].
Il est à remarquer que les corps de justice ne défendent plus la torture des convaincus qui persistent à nier, ni la torture d’inquisition, ni celle des contumaces ; ils ne luttent plus avec une ardeur réelle que pour maintenir le droit de mettre à la question les criminels non convaincus qui persévèrent dans leurs dénégations, et les condamnés à mort qui ne veulent pas révéler
- ↑ Avis du Grand Conseil de Malines, Ibid., 65.
- ↑ Avis du Conseil de Hainaut, Ibid., 118. Nos recherches dans les journaux du temps ne nous ont rien fait découvrir à ce sujet.
- ↑ Avis du Conseil de Namur, Ibid., 217.
- ↑ Le Grand Conseil de Malines seul demande le statu quo pur et simple. Ibid., 66. Les Conseils de Tournai [Ibid., 231], de Hainaut [Ibid., 165], de Luxembourg [Ibid., 197], de Flandre [Ibid., 188|, de Brabant [Ibid., 96] demandent que l’on réserve la torture aux tribunaux supérieurs.