Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et réitérer le banc sur lesdits premiers indices[1] ». L’accusé fait appel à tout son courage pour échapper au dernier supplice, et le juge recourt aux tourments les plus cruels pour vaincre son obstination.

En 1629, cinquante-neuf ans après la promulgation des lois criminelles de Philippe II, le Conseil de Luxembourg semble ignorer qu’un crime capital, prouvé à suffisance de droit, peut être puni sans l’aveu du coupable. Cette année-là, ayant à juger un criminel convaincu à l’évidence, mais qui niait opiniâtrement, les magistrats embarrassés demandèrent des instructions au Gouvernement. Celui-ci, dans sa dépêche du 2 avril 1629, affirma une fois de plus la véritable doctrine[2]. Nos cours de justice n’en tinrent guère compte. Wynants nous apprend que tous les échevinages brabançons prétendent avoir le droit de mettre à la question un accusé dûment convaincu, pour lui arracher une confession, et il admet leur prétention dans une certaine mesure : quand l’accusé a contre lui, non une preuve directe, mais seulement une « preuve par indices, ceux-ci fussent-ils indubitables ». C’est évidemment violer la loi, tout au moins dans son esprit, et exagérer à plaisir l’usage d’un mode de procédure aussi défectueux qu’inhumain.

Un siècle plus tard, en 1731, un bourgeois de Malines fut traduit devant les échevins du chef de fratricide et de tentative de parricide ; il protesta de son innocence, mais, écrivait le Magistrat, « les preuves sont plus claires que le jour, et il ne nous reste pas le moindre scrupule ni doute ». Cependant on condamna l’accusé à la question illimitée ; il la subit quatre fois sans avouer, dont une fois huit heures de suite. « Ce forcené se moqua de ses juges et de la torture ; froid et tranquille sur la sellette, ne mon-

  1. Practique criminelle, t. XXXVIII, p. 3.
  2. « Par le Roy. — Nous avons fait examiner en notre Conseil privé ce que notre Procureur général de Luxembourg nous a escript… touchant le doute que vous rencontriez à la vuidange du procès criminel fait à Claude H…, et nous disons pour responze, que sy cessant le défaut de la confession d’iceluy H…, vous avez appaisement de la preuve des excès à luy imposés, vous pourrez passer à sa condamnation, selon que le trouverez convenir en justice, sans vous arrester à ce que l’on semble prétendre que suyvant la coustume de Luxembourg nul criminel ne pourroit estre condemné sans avoir confessé le crime, laquelle coustume avons déclaré et déclarons abusive ». À tant, etc. [Archives du Gouvernement de Luxembourg, Régistrature du Conseil provincial, vol. N, 1626-1632, fol. 164].