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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/35

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justice une circulaire rappelant les véritables principes à suivre en matière d’instruction criminelle[1].

Il semble cependant que les magistrats brabançons ne se soient pas inclinés immédiatement. En effet, le 6 mars 1751, de Hauregard, assesseur du Drossard de Brabant, écrivait, à propos du procès de Jean C…, voleur de chevaux : « La conviction étoit même si entière et si sure, qu’elle auroit suffi pour condamner tout de suite le prisonnier à la peine capitale qu’il a encouru, si l’on ne devait pas avoir la confession du coupable, ad pænam mortis irrogandam, malgré toute l’étendue de l’évidence de la preuve[2] » ; et en 1771, de Fierlant déclarait : « On m’assure qu’aujourdbuy le Conseil de Brabant est entièrement dans les bons principes à cet égard, mais je doute fort que les autres magistrats de cette province soient revenus de leur préjugé… On se persuade encore assez communément que c’est un usage constant en Brabant qu’un criminel complettement convaincu d’un délit punissable du dernier supplice ne peut être condamné à mort, à moins qu’il n’avoue son crime[3] ». Et il cite à l’appui de son dire un fait typique remontant à quelques années. Un paysan de Wamont tua, d’un coup de fusil, en plein jour, au sortir des offices de la paroisse, un individu avec lequel il se trouvait en différend. Appréhendé sur le fait, il ne nia point, mais prétendit avoir agi en cas de légitime défense. Son système était insoutenable, le crime ayant été perpétré en présence de nombreux témoins. Et cependant le Prévôt de l’Hôtel et le Fiscal de Brabant furent d’avis qu’il fallait appliquer le prisonnier à la torture pour le forcer à un aveu pur et simple. Une circonstance fortuite empêcha la mise à la question : les médecins découvrirent que l’accusé était atteint d’une hernie, et déclarèrent que les tourments pourraient amener une inflammation mortelle[4].

L’école criminaliste du XVIe siècle, dont les juristes belges étaient en majorité les fidèles disciples, considérait la confession de l’accusé comme un infaillible moyen de découvrir la vérité. Jousse, conseiller au Présidial

  1. Voir cette circulaire aux pièces justificatives, n° III.
  2. Procès du Drossard de Brabant, n° 38.
  3. Mémoire sur la torture, p. 185.
  4. Ibid., p. 186.