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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/36

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d’Orléans, a très nettement résumé cette théorie : « Quand un accusé est prévenu d’avoir commis un crime, personne ne peut être plus certain que lui s’il est coupable ou innocent de ce crime, et, par conséquent, de toutes les preuves nécessaires pour établir cette vérité, la plus certaine et la moins sujette à l’erreur est celle qui résulte de la confession de l’accusé[1] ». Ce qui n’empêche pas Jousse de reconnaître, quelques pages plus loin, que « l’on trouve dans l’histoire plusieurs exemples de personnes qui, par la force des tourments, ont confessé des crimes qu’elles n’ont pas commis ».

Les préjugés des juges belges[2] ont la vie dure. Le 25 novembre 1763, les échevins de Gand font mettre à la question deux assassins, M… et D…, dont la culpabilité est surabondamment établie[3] ; en janvier 1780, le Magistrat de Louvain demande au Gouvernement l’autorisation de torturer un faussaire dont le crime est évident[4] ; le 21 juillet 1784, une démarche analogue est faite par les hommes de fief de la Cour féodale du Péron d’Audenarde, et ils protestent très vivement quand le Conseil privé les éconduit[5] ; le 7 décembre 1785, le bourgmestre du Franc de Bruges expose qu’il ne « manque à la conviction de l’empoisonneur Jean H… que son aveu », et demande à pouvoir arracher cet aveu par les supplices[6]. La même année, le Gouvernement échange une volumineuse correspondance avec le Magistrat d’Ypres. Celui-ci insiste pour obtenir la torture d’un bandit

  1. Traité de la justice criminelle, t. I, p. 684.
  2. Les magistrats liégeois partagent ces mêmes préjugés : le 17 décembre 1759, Jean P…, pris en flagrant délit de vol, est mis à la torture [Registre aux prisonniers, fos 134-135] ; — le 2 août 1773, Mathias B…, voleur « saisi au flagrant » [Ibid., fo 226].
  3. Registre spécial du procès M… et D…, aux archives communales de Gand.
  4. Conseil privé, carton 720. — Et cependant le Conseil de Brabant avait écrit, le 29 mars 1774, au Gouvernement général : « Pour avoir l’aveu du coupable pleinement convaincu d’ailleurs, on a discuté si l’article 61 de l’édit criminel de 1570 a proscrit le privilège des Brabançons, vrai ou prétendu, de n’être condamné à mort que sur leur propre aveu. Il y a longtemps que le Conseil de Brabant est revenu de cela » [Conseil privé, Registre 406bis, fo 69]. — De son côté, le Conseil de Hainaut écrivait : « Nous estimons que l’usage de la torture pour tirer de la bouche du criminel, convaincu en règle de droit, l’aveu de son crime, est inhumain et tirannique, que c’est une corruptelle qui devroit être abolie en tout païs [29 juillet 1781, Ibid., fo 113].
  5. Conseil privé, carton 708.
  6. Ibid., carton 720.