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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/37

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convaincu, et soutient « qu’on ne peut punir un criminel sans qu’il ait avoué son crime ». Le Conseil privé s’opposa résolument à cette prétention, et résuma le litige en un dilemme irréfutable : ou bien la culpabilité de S… est suffisamment démontrée, et dans ce cas la torture est une cruauté inutile ; ou bien les preuves ne sont pas assez convaincantes, et alors les aveux qu’on pourra lui arracher dans les tourments ne pourront rien ajouter à la conviction des juges[1]. Mais rien n’y fait, les magistrats s’obstinent, et nous verrons dans un autre chapitre les échevins d’Anvers appliquer à la question, en 1793 — quatre ans après la Révolution française, six ans après l’abolition de la torture par Joseph II, — sept fois de suite, dont une fois vingt-quatre heures durant, un assassin dont la culpabilité leur paraissait cependant démontrée par un ensemble de preuves suffisantes.

III. La torture appliquée au criminel convaincu pour lui faire dénoncer ses complices. — Au XVIIIe siècle, ce mode de procédure, appelé en France la question préalable, est en usage dans les provinces de Luxembourg, de Flandre, de Namur, de Tournai-Tournésis, de Hainaut et de Gueldre[2]. Le Conseil de Brabant affirme qu’il n’est pas usité dans son ressort[3], mais la Coutume d’Anvers dément cette assertion[4]. Il existe depuis une époque très reculée[5] : la Joyeuse Entrée de Marie de Bourgogne contient un article destiné à en refréner les abus, et à soustraire à l’arbitraire des justiciers tout au moins les gens de bonne fâme et renommée[6].

Nos recherches dans les archives criminelles du siècle dernier ne nous

  1. Conseil privé, carton 710.
  2. Mémoire de Fierlant, pp. 189-190 (en note).
  3. Avis du Conseil de Brabant du 29 mars 1774. Registre 406 du Conseil privé, fo 69.
  4. Art. 27. « Un prisonnier, après avoir été torturé une fois, ne peut être torturé une deuxième ou une troisième fois, à moins… qu’il ne dût être torturé une deuxième fois pour déclarer ses complices ou commettants. »
    xxArt. 28. « … il peut seulement être demandé, en termes généraux, qui était auprès de lui au moment du méfait, combien ils étaient, qui donna le premier coup, qui l’en a chargé et choses semblables » [de Longé, Coutumes du pays et duché de Brabant. Quartier d’Anvers, t. IV, p. 803].
  5. Voir Poullet, Histoire du droit pénal dans l’ancien duché de Brabant, t. I, p. 223.
  6. L’article 108.