Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/91

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était convenable d’éviter les discussions publiques sur une loi récemment promulguée, il n’y avait d’autre part rien à répondre aux arguments « indiscutables » de Sonnenfels. Il ne pouvait donc être question de forcer le professeur à se rétracter et à effacer de ses livres les passages incriminés. Marie-Thérèse n’était cependant pas encore convaincue, et, malgré le rapport de Blumegen, elle fît notifier à Sonnenfels défense de soutenir publiquement des théories en désaccord avec les lois de l’Empire.

Mais le mouvement de l’opinion devenait irrésistible. Le 19 novembre 1773, l’impératrice, à la demande de la Faculté de médecine de Vienne, interdit ce qu’on appelait l’Intercalartortur[1] et mit à l’étude des gouvernements provinciaux un projet d’abolition radicale du système des tourments et la recherche des mesures de précaution qui devraient être prises[2]. Sonnenfels, nous l’avons vu, était membre de la régence de la Basse-Autriche ; il défendit naturellement avec chaleur, au sein de cette assemblée, les idées qui lui étaient chères ; quelques jours après la séance, son discours fut publié en brochure à Zurich. Il protesta contre cette publication, faite, affirmait-il, à son insu, ce qui n’empêcha pas le Gouvernement de lui infliger un blâme

  1. La torture intercalaire était celle qui ne s’achevait pas tout d’un trait, mais qui s’exécutait à plusieurs reprises, jour par jour, ou de deux jours l’un. Ce procédé était usité, parce que l’on craignait, en faisant une seule application continue de la question, de donner trop beau jeu aux criminels endurcis qui étaient d’une complexion robuste.

    Voici le texte de la disposition inscrite dans la Constitutio criminalis Theresiana de 1769, et abolie par le décret du 19 novembre 1773 :

    Es ist erst vorgehends geordnet worden, dass die Tortur insgemein nacheinander in einem Tage zu vollführen seye : nachdem aber sich öfter ereignet, dass einige schon bevor in anderen Uebelthaten torquirte oder von absonderlicher starker Leibesbeschaftenheit befundene Leute, am meisten aber die zum verstockten Laügnen angewöhnte Juden, oder andere in allerband Unthaten lang geübte Böswichten, wenn die Tortur nacheinander veranlasset wird, gleichsam unempfindlich, und, ohne dass man aus ihnen die Wahrheit herausbringen möge, die Peinigung überstehen, als mag bey solchen verbosten Leuten bewandten Umständen nach auf Ermessen des Obergerichts, wohin ohnedem die Torturserkanntniss als ein ausgenommener Fall zu gelangen hat, die Tortur wohl in 2. auch 3. Täge vertheilet, somit abgesönderter angeleget werden.

    [Constitutio criminalis Theresiana, p. 110, art. 38, § 13 : Tortura quandoque etiam intercalariter adhiberi potest].

  2. Voir Wahlberg, t. II, p. 270.