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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/94

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et la cause abolitionniste était loin d’avoir ses sympathies ; dans une lettre écrite le 4 janvier 1776 à l’archiduc Ferdinand, elle exprime les craintes que lui inspirent les innovations en cette matière[1].

Dans la république des Provinces-Unies, les ordonnances criminelles de Philippe II semblent pendant longtemps tombées en désuétude. Au cours du XVIe et du XVIIe siècle, on les voit rarement invoquées[2]. Quand un tribunal se trouve embarrassé par le caractère d’incertitude des coutumes locales, il recourt à l’ouvrage de Carpzovius.

La torture est restée en vigueur, et un décret des États généraux, en date du 10 septembre 1591, porte que les jugements qui la prescrivent ne peuvent être frappés d’appel[3]. Elle devient même d’un usage courant, alors que dans l’esprit de l’ancien droit elle ne devait être qu’un procédé extraordinaire d’investigation ; enfin on en arrive à établir dans la jurisprudence que l’on ne peut condamner un criminel qu’après avoir obtenu son aveu, et nous voyons les magistrats hollandais fréquemment hésitants, et forcés de retenir en prison des individus dont le crime est certain, mais qui ont su résister aux tourments, et persévèrent dans leurs dénégations[4].

Au XVIIIe siècle, on sentit la nécessité d’améliorer l’organisation judiciaire aussi bien que la procédure. Une commission fut nommée en 1734. avec mission de proposer un plan complet de réformes. Ses délibérations, on ne sait pour quelle cause, demeurèrent stériles, mais ses archives subsistent, et l’on y a constaté que d’après son projet, on devait procéder à l’instruction en entendant d’abord les témoins, puis aurait lieu la confrontation de l’accusé avec les témoins, et enfin, s’il persistait à nier, on pouvait l’appliquer à la question, en observant les règles prescrites par les ordonnances de Philippe II[5].

  1. « Die Tortur soll auch aufgehoben werden ; es spricht Vieles dafür und Vieles dawider ; ich hielte mich zur letzteren Partei, weil ich nun einmal die Neuerungen nicht mehr liebe » [Fournier, Historische Studien und Skizzen, 40].
  2. Elles ne sont même pas invoquées par les adversaires de la torture, comme Heemskerk et Malthaeus dont nous parlerons plus loin.
  3. Voir Debosch-Kemper, Wetboek van strafvordering, I, cxviii.
  4. Id., I, cxxiv.
  5. Id., I, cxxvi, cxxvii.