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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/123

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et sauvages de la Baie Saint-Georges. Quinze familles sont parties la semaine dernière de mes anciennes missions ; autant d’autres de ma mission actuelle s’embarquent aujourd’hui avec leur pauvre bagage pour faire voile vers le même lieu. Leur séparation de leurs parents, et amis est pitoyable. Leurs adieux sont des gémissements et des larmes. Ces pauvres gens s’éloignent de nos rivages sans espoir de revenir jamais s’y fixer.

« Je vis hier un respectable vieillard âgé de quatre-vingts ans, marchant avec peine appuyé sur sa canne. Il me dit qu’il était sur le point de partir. Touché de compassion de le voir s’expatrier à la veille de la mort, je lui dis qu’il allait mourir dans une terre étrangère où il serait privé de tous les secours de la religion et où il ne trouverait seulement pas un petit coin de terre bénite pour y faire déposer ses os. Il me témoigna de bons attachements pour la religion et pour ses ministres en me répondant avec cette belle et antique foi des Acadiens : « Je pars pour suivre mes enfants, unique ressource de ma vieillesse, mais je vous déclare que la mort me serait plus douce que le départ. Vous voyez que je puis à peine me traîner sur mes cannes (jambes). Eh bien ! si le bon Dieu ne m’ôte pas la vie cet hiver et si je trouve une occasion, quand même je ne pourrais plus marcher qu’à quatre pattes, je vous promets que je reviendrai le printemps prochain pour faire mes Pâques ici et pour vous voir encore une fois. » Je fus profondément ému en entendant l’expression sincère des sentiments de son cœur. Je lui enseignai la manière de s’exciter à la contrition parfaite accompagnée du désir de recevoir les sacrements, en cas de danger de mort. Je lui délivrai un certificat de bonne conduite, et il me quitta en pleurant et en me serrant la main.

« Peu de maladies et de mortalités. Mais bien des