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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/141

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persécution anglaise. Depuis plus de cent ans, elles avaient vécu en marge de la société, dans de misérables cabanes de bois rond, loin de l’église et de l’école, ne voyant de missionnaire qu’à de très rares intervalles. C’était fatalement et à brève échéance le retour à la vie primitive. Quelques rarissimes exceptions s’étaient livrées de toute leur âme à la culture du sol et avaient, comme toujours, réussi à se créer une modeste et honorable aisance, tels David Savoie et ce vieux Cyr qui hébergea si fraternellement et si cordialement les Îles à Madeleine ; le grand nombre étaient des meurt-de-faim qui ne mangeaient du pain qu’aux grandes fêtes chômées, et encore ; qui cultivaient misérablement quelques sillons de pommes de terre et qui n’allaient pêcher ou couper du bois que par nécessité extrême. La paresse les rongeait : c’était inévitablement l’indigence la plus complète au milieu de l’abondance même dans un pays de cocagne.

Leurs mœurs s’étaient relâchées avec le reste : la paresse est la mère de tous les vices… Aucune tentative n’avait été faite pour les tirer de cette avilissante abjection où ils croupissaient ; et, livrés à eux-mêmes, ils étaient incapables de se relever ; ils n’en avaient point l’énergie

Cette lamentable situation de gens qui devenaient leurs concitoyens, leurs futurs co-paroissiens, désola et dégoûta au dernier point nos Madelinots, accoutumés à un meilleur voisinage. Grâce à l’instruction et à l’éducation si solidement chrétienne, grâce à l’esprit de prosélytisme qu’ils tenaient de leur pays d’origine, ils prirent l’apostolique résolution de tout tenter pour relever et réhabiliter ces pauvres et tristes épaves. N’étaient-ils pas comme eux de nobles descendants des saints martyrs de l’Acadie, traqués, dépouillés, chassés, exilés, massacrés, pour leur attachement indomptable à la Foi catholique et à leur Roi bien-aimé ?