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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/147

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prix exorbitants. Les Américains du 19e siècle répètent, aux Îles de la Madeleine, les procédés des Bostonnais du 17e siècle en Acadie ; et les Acadiens dans l’un et l’autre cas sont quasiment forcés de profiter de la situation anormale où les jettent les circonstances et de mener ce commerce en marge de la loi qui le défend mais n’y supplée point.

Nécessité n’a pas de loi et ventre affamé n’a jamais eu d’oreilles. Tout de même, les Américains profitaient de la situation pour exploiter les insulaires et imposer leur tyrannique domination, jusque dans le sanctuaire du foyer familial. Ils s’emparaient des havre, des quais, des grèves et des fonds de pêche d’où ils chassaient impitoyablement parfois les barques acadiennes… Après un quart de siècle de luttes pour la vie, les Acadiens, se sentant trop faibles pour prolonger davantage une concurrence inutile, tentèrent de s’organiser autrement. Les Îles devinrent un immense chantier maritime où chaque hiver on construisait une, deux, trois goélettes. La première lancée reçut au baptême le nom de Sophie. Puis vinrent la Delaney, la Constantine, la Flash, la Canadienne, la Stella, etc., etc… Plus de cinquante goélettes furent ainsi construites. Ces habiles Acadiens que les événements et les nécessités de la vie firent agriculteurs, pêcheurs, navigateurs, charpentiers, menuisiers, architectes, durent travailler bien fort durant les interminables hivers pour tirer un tel succès de cette industrie nouvelle. Ils coupaient et préparaient le bois un an d’avance ; ils utilisaient tout ce que les Îles pouvaient fournir, tout ce que le flot charroyait de convenable et tout ce qu’on pouvait acheter ou sauver des naufrages. Ce bois devait être transformé à la main. Pas d’autres scieries que les bras nerveux et vigoureux de ces vieux loups de mer qui, tout l’hiver, dans l’aire de leur