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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/154

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les beaux jours, à l’aurore, ces centaines de voiles sortaient à quelques encâblures des côtes et s’en venaient avec une grande quantité de poissons. Il y en avait en telle abondance qu’au dire des anciens, dans un avant-déjeuner, ils chargeaient leurs barges de maquereaux. Le soleil était à peine levé et la barge déjà bien calée ; on se huchait l’un à l’autre : « Hé, t’en viens-tu boire ton café » ? Et avant que le poisson n’ait pu s’échauffer, on filait vite le préparer. Pêches vraiment idéales ! Quel contraste avec ces expéditions périlleuses et inquiétantes sur des côtes lointaines ! Voyez l’effet de l’ordre. Un peu de sympathie, une large protection, l’application rigoureuse d’une loi constamment violée par le passé suffisent à modifier radicalement la situation de nos insulaires. L’amélioration de la tenure seigneuriale avait rendu à ces laboureurs de la mer le goût de la terre. Après une matinée de pêche fructueuse, ils travaillaient à la culture de leurs champs sur le haut du jour et, vers le soir, ils retournaient joyeux à leurs lignes ou à leurs filets.

Jusqu’alors ils ne se sont occupés que du hareng, du maquereau et de la morue ; ils vont désormais se livrer avec succès à la pêche des crustacés qui couvrent les fonds pierreux et viennent jusque sur les galets du rivage où on les prend à la gaffe. Qu’on ne s’imagine pas toutefois qu’ils se lancèrent dans la pêche au homard avec une gaffe. Ils se servirent, comme aujourd’hui, d’attrapes ou pièges qu’ils appellent cages. Elles mesurent quatre pieds de longueur sur deux de largeur, sont construites de lattes, en forme d’arche, avec un boyau d’entrée en fil de coton maillé, par où s’introduit l’animal pour atteindre la bouette ou appât. (On la cale avec un lest de pierres plates). Une fois entré, il lui est impossible de monter dans le haut de la cage pour retrouver sa liberté perdue. En cherchant le moyen de sortir de cette étroite prison, il aperçoit