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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/157

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leurs frêles coquilles, pour enregistrer le plus d’acheteurs possibles.

Cette dernière méthode fut tentée plusieurs fois, mais on préfère de beaucoup l’autre et on y revient sans cesse. Les Américains qui au début terrorisaient les insulaires sont à présent leurs meilleurs amis. Ils laissent chaque année beaucoup d’argent dans les Îles pour la bouette, les œufs, les pommes de terre, la viande qu’ils y achètent. Les rôles sont maintenant changés. Jamais vous n’entendez un Madelinot se plaindre des Américains assagis. Un pêcheur, en venant du large, arrête-t-il à bord d’une de leurs goélettes qu’il est invité à goûter la cuisine américaine. Les Terre-Neuviens et les Néo-Écossais lui sont également sympathiques. Mais la mauvaise renommée que tous ces étrangers s’étaient faite jadis sur les îles, leur a créé une atmosphère antipathique qu’ont respirée tous les enfants, dans les récits de leurs grand’mères. La maman dit encore à son petit qui pleure : « Tais-toi, voilà un Américain ! » Cela tend à disparaître, et les enfants d’écoles ne redoutent plus de suivre le chemin du roi dans le mois de mai. Il ne reste que les Français dont il faut se garer, à cause de leur langage pernicieux et de leur malhonnêteté. Ces pirates et écumeurs de mer volent lignes, voiles, rames, tout ce qu’ils rencontrent, voire même parfois des bateaux de pêche. Il faut tout cacher ou mettre sous clef dès qu’apparaît une voile rouge à l’horizon. Ils furent sans cesse à craindre ; leur esprit révolutionnaire et irréligieux cherchait à contaminer les honnêtes gens qui leur accordaient une si large et cordiale hospitalité. On sentait toujours une idée fixe chez eux : semer le mal par l’exemple et par la parole, partout où ce serait possible mais chez les enfants surtout. Ceux-ci, entendant parler leur langue maternelle, avaient moins peur et pouvaient être approchés plus facilement. C’était bien dia-