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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/185

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avec surprise, c’est qu’elle a fini sa mitaine ou son bas ; c’est l’affaire d’une courte veillée.

Le Rév. Geo. Patterson, auteur d’une remarquable étude sur les Îles de la Madeleine, écrit en 1891 : « Je dois avouer ici que de toutes les créatures industrieuses que j’aie vues, les femmes françaises méritent la palme. À côté de leur part de travail dans la pêche, la culture de la terre est en grande partie leur ouvrage. En plus de leurs devoirs de ménagères, elles filent la laine à la vieille méthode, la tissent en étoffe pour elles et leurs familles. Et quant au tricotage, elles se croiraient impardonnables d’aller quelque part, même à une petite distance, sans mettre en action les aiguilles à tricoter. Voyez ces deux jeunes filles qui s’en vont en charrette le long du chemin ; tandis que l’une guide, l’autre ajoute quelques broches à son bas. » La coutume surprend un peu l’étranger, moins aujourd’hui cependant depuis que le tricot est à la mode dans les villes ; il l’a toujours été aux Îles. Les longs hivers madelinots sont propices à ces industries domestiques. Tous les enfants y prennent part. Pendant que le père raccommode ses filets, la mère prépare sa pièce. Après la classe, les leçons étudiées, les garçonnets « brochent des têtes de cages, » les fillettes « font de la défaisure, »[1] les plus grandes écharpillent, la mère file au rouet, la grand’mère dorlote bébé, puis le père, quand il n’a pas été faire son petit tour chez le voisin, fume sa pipe en cousant des bottes sauvages à ses gars. Sorte de mocassin, la botte sauvage qui est encore aujourd’hui la chaussure des hommes pour l’hiver, fut aussi celle des femmes jusque vers 1880. La plupart des vieux et des vieilles, en nous contant des histoires du temps passé, n’oublient pas de nous dire, un peu malicieusement, qu’ils ont été longtemps à la messe en bottes sauvages, que dans ce temps-là le monde n’était pas fier comme aujourd’hui, et que les garçons n’a-

  1. Vieux tricot taillé qu’on défait pour l’écharpiller.