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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/187

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de leurs inséparables brochures, se mettaient à tricoter tout en jasant de l’événement sensationnel du jour, puis chacune disait avec un tout petit brin d’exagération combien elle avait filé de livres de laine, tricoté de paires de mitaines, quand elle finirait sa pièce et ce qu’elle fabriquerait cet hiver. Les hommes allumaient une vieille bouffarde et parlaient des glaces : y aurait-il des loups-marins, quelles goélettes iraient, quels en seraient les équipages, les accidents passés et ceux qui pourraient encore se rencontrer, etc… Pendant ce temps, les jeunes s’amusaient à chanter et à rire. Et tout en chantant, ils se mettaient à danser. Les vieux durs à cuire s’animaient — la danse les électrisait — ils se mêlaient aux jeunes pour une quadrille, puis pour un cotillon inoffensif ; c’est à qui montrerait le plus d’habileté, de souplesse dans la gigue. Pendant ce temps, un chaudron de tire ronronnait sur le feu ; histoire d’adoucir la langue, en attendant le réveillon pantagruélique. À cette occasion, on sortait de leurs cachettes les tartes, les gâteaux et les galettes confectionnés par l’habile ménagère, en prévision de cette soirée.

Ces veillées se répétaient assez fréquemment, puisque chaque famille avait sa foulerie, qu’il y avait les Fêtes, la Chandeleur, les Jours Gras, les noces, à part des carderies, des grands ménages, des battages, etc., qui se faisaient par corvées et donnaient lieu également à des divertissements de cette sorte. Et les jeunes, sans parler des vieux, en profitaient d’autant plus que du printemps à l’automne, ils vivaient en ermites sur la mer et n’avaient pas le temps de s’amuser, ni d’aller voir leurs dulcinées. Dans ces veillées, ils chantaient de vieilles chansons et complaintes apportées d’Acadie ou des chants populaires éclos au terroir si fertile et si poétique de nos îles.

Pendant le carême et les avents, pas de danses ni de