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INTRODUCTION

Élevé dans l’amour de ma patrie, je m’attendrissais tellement aux récits de ma grand’mère et de mon père que j’aurais passé les nuits à écouter leurs histoires… d’en premier. Le culte des aïeux s’établit ainsi en moi dès la plus tendre enfance. Quand ma grand’mère restait embarrassée par ma curiosité enfantine et mes trop nombreuses questions, je tourmentais mon père et lui faisais conter les mêmes événements pour la centième fois, voir s’il n’ajouterait quelques détails inédits.

Tout le passé de mes Îles défilait ainsi en un tableau sous mes yeux ébahis : les expéditions de pêche, les inquiétudes cuisantes des épouses, les espoirs des absents trop souvent déçus, la joie exubérante du retour, les sinistres naufrages, les deuils fréquents, les fêtes intimes de familles, les corvées pour fouler l’étoffe du métier puis les folichonnes veillées de jeunesse, les danses toujours honnêtes en ce temps-là, les frolics, les noces, les méthodes rudimentaires de labourage et de pâturage, les manières simples de se vêtir confortablement et économiquement, les misères de l’hivernement qui donnaient lieu à l’exercice de cette charité digne des premiers chrétiens, et que d’autres sujets ont rendu mon âme sensible et mon cœur débordant d’amour pour mes chers compatriotes-insulaires.