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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/194

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langage des mots étrangers, sans s’en apercevoir et parfois sans le savoir. Pourquoi cette ridicule manie ?

La poésie toute pastorale et patriarcale qui embauma toujours l’atmosphère des Îles de la Madeleine lui attacha ses fils par des liens indestructibles, quelque pénible qu’y fut leur vie de durs labeurs ; et le Madelinot, où qu’il soit, ne parle jamais de ce cher coin de pays sans une profonde émotion, sans larmes des yeux et de la voix. Aussi, aime-t-il à y retourner en de fréquents pèlerinages, comme à un lieu sacré ; se bercer sur la mer dont l’absence lui serre et tenaille le cœur ; revoir ces rivages, ces terres, suivre ces sentiers qui lui rappellent tant d’agréables souvenirs d’enfance et de jeunesse ; revivre, en quelque sorte avec son monde, la vie des anciens jours…

« Mémoire de notre passé, lieux toujours charmants qui ont été témoins de nos premiers jeux et des premiers bouillonnements de notre cœur, tradition de famille, enseignements aimés de notre enfance, vous êtes toujours pour nous revêtus d’un prisme incomparable ! Les chants qui nous ont bercés, la langue et jusqu’à l’accent qui nous les ont transmis, tout ce qui tient à ces souvenirs du jeune âge, à ces premières émotions de l’adolescence, nous laisse des impressions qu’aucune jouissance matérielle n’égalera jamais. Puis viennent les œuvres de notre virilité ; pouvons-nous revoir avec indifférence les objets qui ont subi l’empreinte de notre travail, ces terres que nous avons façonnées, ces arbres que nous avons plantés, ces progrès que nous avons semés et que nous avons vus grandir, en nous passionnant pour notre œuvre.

« Tout cela nous émeut, nous réjouit, nous attriste par des sentiments multiples et saisissants, supérieurs à tout dans leur vivacité, et plus pénétrant dans leur action que les jouissances les plus raffinées. Il faut bien qu’il en soit ainsi, puisque nous voyons tous les