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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/193

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qui ne capitulent jamais. On se jette à genoux et l’on demande à la Reine des flots de protéger et bénir ces laboureurs inlassables de la mer ; on se rappelle avec plaisir et confiance que le Seigneur nourrit généreusement les petits oiseaux et habille somptueusement le lis de la vallée… Et la foi triomphe : demain sera ce que Dieu voudra…

Ils ont des manières très familières et cordiales, de nature à surprendre, de prime abord, mais qui nous prouvent péremptoirement combien est profonde et sincère l’intimité indéfectible qui les unit. Les mots monsieur, madame, sont peu en usage, excepté pour monsieur le curé ou les étrangers. Pas de timbres ni de sonnettes à leurs portes qui sont toujours ouvertes aux visiteurs. Pas besoin de frapper : vous entrez comme chez vous, à la bonne franquette. On vous salue et vous invite aimablement à prendre un siège ; mais si c’est pendant la prière du soir, n’attendez pas qu’on se dérange : mettez-vous tout simplement à genoux et priez. Anciennement la prière du soir se faisait en commun à la demeure du vénérable grand-père ; et là se réunissaient ses enfants et petits enfants, neveux et nièces, devant le vieux crucifix de la famille.

Jamais de disputes ni de chicanes avec leurs voisins anglais. Les deux groupes se mêlent peu ou point dans les relations intimes, aussi la bonne entente est parfaite. Chacun jouit de sa propre liberté que l’autre respecte. On s’efforce d’être bilingue, surtout à cause des transactions commerciales où, il faut bien l’avouer, c’est l’anglais qui prédomine, tandis que dans les relations sociales, c’est le doux parler de France. Les femmes, à peu d’exceptions près, sont unilingues. Chacun se trouve donc obligé, d’une manière ou d’une autre, de se servir de la langue de son voisin. Et les Acadiens qui, entre eux, ne conversent jamais en anglais, se saluent souvent à l’anglaise et mêlent à leur