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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/238

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craint de le laisser jusqu’au lendemain. Trouve-t-on un fer à cheval, on l’accroche sur la clôture, bien en vue afin que le propriétaire le prenne en s’en retournant. Combien de fois, quand j’étais enfant, n’avons-nous pas laissé la maison pour aller en promenade, même à l’île voisine, sans jamais fermer les portes à clefs. Deux jours après, nous retrouvions tout en ordre. Dans les belles nuits d’été, que de fois nous avons dormi les portes grandes ouvertes. Cette sécurité absolue s’explique assez facilement : toutes les familles sont étroitement unies par des liens de parenté, la nature ou le malheur les ayant faits frères deux fois ; leur isolement et surtout leur religion qu’ils pratiquent crânement, voilà l’explication de ces coutumes fortement chrétiennes.

Un jour, un marin Madelinot trouve 53 louis sur les rivages déserts de l’Anticosti. C’était assurément en perdition ; rien de plus facile que de se les approprier sans souffler mot à âme qui vive. Qui ne le ferait pas aujourd’hui ? Hélas ! non, c’était trop pour cette conscience délicate ! Il remet intégralement cette somme entre les mains de son curé, l’abbé Bédard, et attend patiemment la décision théologique du pasteur. Il y a quelque vingt ans, des loups-mariniers de Terre-Neuve avaient fait une telle chasse qu’ils pouvaient charger deux fois leurs navires. Vents et marées leur firent perdre leurs balises dont quelques-unes vinrent se coller aux rivages des Îles. Des habitants en halèrent tant qu’ils purent, considérant que la glace allait bientôt s’émietter et que toute cette richesse serait perdue. Il s’exposaient à provoquer une avalanche de réclamations des redoutables et irascibles Terre-Neuviens. Qu’arriva-t-il ? Un mois plus tard, un des navires malchanceux, mouilla l’ancre dans la Baie-de-Plaisance et proposa aux Madelinots d’acheter leurs loups-marins. Les insulaires racontèrent leur aventure et furent con-