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Ce sont les conditions imposées autrefois à Denis, mais, pas plus que Denis le Comte de Saint-Pierre ne se soucia de les mettre à exécution et, pour tenter de justifier son indolence ou son âpreté au gain, il prétendit qu’il n’y avait sur les Îles de la Madeleine ni port, ni assez de terre pour une habitation, et toute son industrie se concentra sur la pêche qui lui permettait plus promptement et plus sûrement de réaliser d’immenses profits. À cette époque, on croyait les Îles de la Madeleine beaucoup plus proches de l’Île Saint-Jean qu’elle ne le sont en réalité. Et pour cela, le Comte de Saint-Pierre obtint facilement le droit exclusif de pêche autour de ces îles et dans l’espace de mer qui les sépare ; il s’éleva de vives protestations de la part de tous les pêcheurs du Golfe. Les armateurs français prétendaient que la pêche sédentaire ne se faisait pas en goélettes et ne s’étendait qu’aux îles et battures adjacentes, c’est-à-dire à une lieue à la ronde et qu’on ne pouvait pas les empêcher de pêcher au-delà.

Le Comte de Saint-Pierre soutenait que cette protection lui était absolument nécessaire pour le dédommager des dépenses très considérables faites pour l’établissement de ces îles. Et en conséquence, il arma un brigantin pour chasser de ses eaux les pêcheurs de l’Île Royale et faire exécuter ses exorbitantes volontés. Mais dégouté d’une dispute où il avait tout à perdre, ne faisant pas ses frais, il avait abandonné les Îles en 1724 et ne s’y était plus montré. Le Conseil d’État, par un arrêté du 1er juin 1730 réunit cette seigneurie au domaine du Roi.

Et voilà comment les brillantes perspectives entrevues à l’arrivée du Comte de Saint-Pierre se sont toutes dissipées comme les nuages d’été, laissant la mer calme et le ciel pur autour de l’archipel.