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l’Île d’Entrée, et les pêcheurs rapportent qu’ils en ont déjà vu plus de 30,000 échouées ensemble sur le rivage de cette île qu’elles ont abandonnée en 1760. Sur le Corps-Mort, on en a vu plus de 100,000 entassées à la fois. Les pêcheurs vont les faire jeter à l’eau et essayent de les amener vers leurs échouries. Des troupeaux incroyables de 30,000 et de 40,000 s’échouent sur le Rocher-aux-Oiseaux. Ces derniers endroits sont impraticables, mais cela montre bien l’énorme quantité de ces monstres qui vivent autour des Îles, et la grande richesse qu’on en peut retirer.

« Malheureusement il n’y a pas assez de protection. L’escouade de pêcheurs employée dans cette industrie est dix fois trop insuffisante pour permettre de débarrasser convenablement le terrain des carcasses et détritus. Il faut donc chaque année changer le lieu de la boucherie. Quoiqu’elle se fasse à un mille du rivage, l’odeur nauséabonde qui s’en dégage peut faire déserter l’échourie surtout quand arrivent les grandes chaleurs, que plusieurs vaches meurent le long du chemin avant l’heure du supplice et y sont abandonnées. Un autre péché, c’est la méthode de les tuer au fusil. C’est de cette façon qu’on les a chassées de Brion et du reste des Îles. »

Au printemps de 1765, on fit 900 barriques d’huile ; on dut en faire autant à l’automne, ce qui est un réel succès. Gridley s’enrichissait rapidement dans cette industrie : il gardait les deux tiers de l’huile pour la pension de ses employés. Ceux-ci recevaient simplement l’autre tiers en effets qu’ils payaient très cher, de sorte que nos intrépides pêcheurs inhumainement exploités par ce vampire restaient toujours en dessous. Et pourtant ils étaient économes et industrieux, se nourrissant souvent de la chair de la vache-marine et ne portant d’autres habits que ceux fabriqués par leurs vaillantes épouses.