Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/107

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repaissant leurs petits yeux et leurs grandes oreilles de ce bruyant spectacle. Enfin, les hautes voiles en forme d’éventail se déployèrent, des milliers de rameurs firent entendre leur chanson nazillarde, les têtes de la multitude ondulèrent comme les vagues de la mer, et ces innombrables jonques de toute grandeur et de toute forme se mirent en marche.

La mission catholique était établie, comme nous l’avons déjà dit, non loin du rivage. Or, pendant que ce brillant convoi remontait le cours de l’eau, les missionnaires, en compagnie de quelques amis, installés aux fenêtres de leur maison, regardaient passer cette interminable escadre avec son nombreux et splendide cortége de mandarins. Le commissaire impérial et le vice-roi étaient assis sur le pont de la plus belle jonque, fumant majestueusement leur longue pipe, et humant avec la fumée du tabac les ovations de leurs chers administrés qui criaient à s’égosiller « Wan-Fou, Wan-Fou ! dix mille félicités !! » Poussés par une douce brise, la jonque de gala remontait lentement les eaux du Tigre, lorsque tout à coup sa voilure exécute une rapide manœuvre ; on vire de bord, et voilà que la jonque, se laissant aller au courant, vient jeter l’ancre juste en face de la maison des missionnaires. Le commissaire impérial et le vice-roi débarquent et s’acheminent, abrités sous d’énormes parasols rouges, dans la direction de la mission catholique.

On comprend l’émotion et l’embarras des pauvres religieux, en voyant venir vers eux des visiteurs d’une telle importance. Le P. Ricci s’empresse de descendre et les reçoit de son mieux, selon les prescriptions du