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Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/112

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les expédients pour se tirer de ce mauvais pas, mais tout fut inutile. Il fallut céder à l’autorité et se préparer à rebrousser chemin jusqu’à Macao. Le jour du départ, le préfet de la ville fit offrir au P. Ricci les soixante piastres qui lui étaient accordées à titre d’indemnité. Celui-ci refusa de les accepter, et en cela il agit avec sagesse et prudence, car il se réservait ainsi pour l’avenir un droit incontestable sur l’établissement qu’il avait fondé à Tchao-King. À la place de soixante piastres, l’habile missionnaire demanda un écrit officiel qui attestât que lui et ses compagnons avaient toujours vécu à Tchao-King conformément aux lois et aux rites, et que leur expulsion n’était motivée par aucune faute. On leur délivra volontiers cette attestation, ou on ajouta de magnifiques éloges.

Ces pauvres missionnaires durent sentir leur cœur bien navré de tristesse, au moment où ils furent contraints d’abandonner leur chère mission. Les néophytes éplorés les conduisirent jusqu’au rivage, et là il y eut une scène semblable à celle qui est décrite dans le livre des Actes des Apôtres, lorsque saint Paul dit adieu aux chrétiens de Milet :

« Il se mit à genoux et pria avec eux tous…

« Or tous répandirent d’abondantes larmes ; et se jetant au cou de Paul, ils l’embrassaient,

« Affligés surtout de ce qu’il leur avait dit qu’ils « ne le verraient plus, et ils le conduisirent jusqu’au « vaisseau[1]. » Les Chinois sont en général peu susceptibles d’une profonde et sincère affection. Cependant les néophytes trouvent du cœur pour s’attacher

  1. Actes des Apôtres, ch. xx, v. 36, 37 et 38.