Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/125

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empire immense. Heureusement qu’il connaissait parfaitement la langue et qu’il était au courant des mœurs et des habitudes du pays qu’il parcourait. Il continua sa route par eau, sans mettre pied à terre, jusqu’à Nan-Tchang-Fou, capitale de la province de Kiang-Si. Il s’arrêta là quelques jours dans une pagode célèbre, où les bonzes voulurent l’obliger à se prosterner devant leurs idoles. Sur son refus formel, on excita la multitude qui était accourue pour voir le savant étranger, et il y eut une petite sédition. Mais le P. Ricci ne se laissa pas intimider ; les autorités intervinrent et ne trouvèrent pas mauvais qu’on laissât à l’illustre étranger le droit d’honorer la divinité comme il le jugerait convenable.

En quittant Nan-Tchang-Fou, le P. Ricci se rembarqua pour entrer dans le lac Pou-Yang[1], qu’on ne peut guère traverser à moins de deux jours de navigation et sans apercevoir la terre. Lorsqu’on fait le voyage, il est difficile de se persuader qu’on est au centre de l’empire chinois. Cette immense étendue d’eau, ces longues vagues soulevées par le vent, ces nombreux et gros navires qui voguent dans tous les sens, tout semble indiquer une véritable mer plutôt qu’un lac. Le mouvement des jonques innombrables qui sillonnent continuellement la surface du Pou-Yang offre à la vue un spectacle vraiment ravissant. Les diverses directions qu’elles suivent donnent à leur voilure et à leur construction une variété de formes infinies ; les unes, allant vent arrière, étalent leurs larges nattes et avancent avec une imposante ma-

  1. Le lac Pou-Yang est formé par le confluent de quatre grandes rivières ; il a trente lieues de circuit.