Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/14

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ligieux, pleins de bonne foi et de sincérité, ne songèrent pas même à dissimuler des rapports si singuliers. Ils les exposèrent avec simplicité, se bornant à considérer l’institution lamaïque comme une sorte de christianisme dégénéré ; et les traits qui les avaient frappés comme autant de vestiges du séjour que les sectes syriennes avaient fait autrefois dans ces contrées. Cependant, les philosophes anti-chrétiens, Voltaire Volney, Bailly et plusieurs autres, s’emparèrent avec empressement de ces analogies, qui étaient à leurs yeux une précieuse découverte. On affirma d’abord au nom de la science que les hommes, avec leurs idiomes, leurs arts et leurs croyances religieuses, descendaient originairement des montagnes du Thibet que c’était là le berceau des sciences et des religions, qui s’étaient ensuite comme écoulées successivement du Thibet dans la Chine, dans l’Inde, dans l’Égypte et enfin en Europe[1]. Ce premier point établi au moyen de beaucoup d’audace et d’un peu d’érudition superficielle et mensongère, on parla avec une sorte de mystère du bouddhisme et du grand lama ; on publia sur la hiérarchie lamaïque une foule de dissertations accompagnées de certaines réticences en apparence bénévoles, mais perfides au fond ; et, comme dans un siècle de lumières il n’était pas permis de tenir la vérité sous le boisseau, on proclama hardiment que le christianisme procédait du bouddhisme thibétain, et que le culte catholique avait été calqué sur les pratiques lamaïques. Or il est facile de se convaincre que c’est précisément tout le contraire qui est arrivé.

  1. Voir à ce sujet les opinions des philosophes dans les Voyages de Thamberg, t. II, p. 166 et 313, édit. in-4o.