Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/190

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mènes et de néophytes. Dès lors on eut sous les yeux un spectacle inusité parmi les Chinois. Lorsqu’il y avait une grande fête, qu’on la célébrât à la ville ou à la campagne, les riches et les pauvres, les ignorants et les lettrés, les paysans et les mandarins, se réunissaient, prenaient les repas les uns chez les autres, et passaient la journée dans une douce et cordiale fraternité, parce qu’ils venaient de prier en commun et de s’agenouiller ensemble devant celui qui est le père du riche, du pauvre, du lettré, de l’ignorant, du paysan et du mandarin. L’égalité peut seulement se trouver parmi les hommes qui savent dire du fond du cœur : Notre Père, qui êtes aux cieux…

Cette fraternité, qui se développait parmi les néophytes, contrastait avec ce froid égoïsme qui généralement a desséché les âmes des Chinois. Cette fusion intime des rangs les plus opposés de la société était peut-être la plus efficace des prédications. Dans un village, tous les membres d’une famille considérable avaient embrassé le christianisme, malgré la vive opposition de leurs concitoyens, qui leur avaient suscité plusieurs querelles pour les intimider et leur faire abandonner la foi. Ils leur reprochaient d’avoir embrassé une religion étrangère, et ne cessaient de les menacer de la colère des dieux chinois. Un jour le feu prit à la maison de ces nouveaux chrétiens. Les voisins, au lieu d’accourir à leur secours, demeurèrent immobiles, et se plaisaient à contempler l’incendie dévorer la demeure des chrétiens. Ils voyaient là comme une terrible punition de ce qu’ils appelaient une apostasie. Dans peu de temps, il ne resta plus qu’un monceau de cendres et de ruines.