Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/291

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minâmes de cette façon jusqu’à ce que nous arrivâmes au sommet de ces hautes montagnes, d’où l’on aperçoit les sources du Gange et d’un autre grand fleuve[1] qui arrose les terres du Thibet. Nous avions presque perdu la vue ; mais j’avais moins souffert que mes deux valets, à cause des soins que j’avais pris. Cependant je restai plus de vingt-cinq jours sans pouvoir lire une lettre de mon bréviaire. »

Le lecteur trouvera peut-être ce tableau un peu exagéré, chargé de couleurs trop sombres. Pour nous, qui avons parcouru les mêmes contrées et subi plus d’une fois les inconvénients d’un semblable voyage, nous savons par expérience que le récit du P. d’Andrada est encore au-dessous de la réalité. Il est des misères et des souffrances que nulle expression ne saurait rendre ; pour en avoir une idée exacte, il faut les avoir éprouvées soi-même. Lorsqu’on a toujours mené une vie facile et confortable au foyer domestique, il est malaisé de comprendre toutes les horreurs de la soif, de la faim et du froid, au milieu des déserts.

Du haut de ces grandes montagnes les trois voyageurs découvrirent devant eux une immense plaine, qui s’étendait à perte de vue jusqu’à l’horizon. Malheureusement, leurs yeux éblouis et fatigués par la neige ne pouvaient rien distinguer, pas même ces longues perches noires qu’on a élevées de loin en loin dans les steppes pour guider les caravanes. Cette plaine incommensurable leur paraissait toute blanche, et semblable à une mer de neige. Comment continuer un tel voyage, alors surtout qu’on était à bout de forces

  1. C’est sans doute le Yarou-Dzambo.