Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/292

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et de provisions ? La situation était affreuse et désespérante. D’Andrada qui voulait avant tout sauver la vie de ses deux domestiques leur conseilla de retourner au village d’Ana, où ils avaient laissé la caravane ; n’ayant qu’à descendre, ils pouvaient y arriver facilement dans six jours, et sans crainte de s’égarer, puisqu’ils n’avaient qu’à reprendre la route qu’ils avaient déjà parcourue ; pour lui, il allait chercher dans quelque anfractuosité de rocher un recoin où il se blottirait à l’abri du vent et de la neige, en attendant l’arrivée de la caravane. Il avait encore assez d’orge grillée pour huit ou dix jours plein de résignation à la volonté de Dieu, il comptait sur sa providence. Ce plan ayant été adopté, ils étendirent leurs manteaux et essayèrent de prendre un peu de repos.

Aussitôt que le jour parut, d’Andrada pressa ses deux domestiques de se mettre en route ; l’exiguité des provisions exigeait qu’on ne perdît pas un seul instant. Mais, soit par peur, soit par affection, ces malheureux fondirent en larmes et déclarèrent qu’ils ne voulaient point se séparer de leur maître, qu’ils ne se mettraient pas en route sans lui. D’Andrada eut beau les encourager, il ne put vaincre leur résistance et fut obligé de partir avec eux, quoiqu’il lui en coûtât de retourner dans ce village où il était menacé d’être retenu prisonnier. Ils repassèrent tous par les endroits où ils avaient déjà enduré tant de fatigues et de souffrances, sans aucune utilité. « Le chemin, dit d’Andrada, me paraissait d’autant plus aisé qu’il n’y avait qu’à descendre. Cependant mes valets eurent beaucoup de mal, les ampoules de leurs pieds les empêchaient de marcher. Nous nous traînâmes ainsi durant trois jours