Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/27

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On rencontre quelquefois dans la Tartarie, non loin des frontières de Chine, quelques auberges isolées au milieu du désert ; elles se composent ordinairement d’une immense enceinte carrée, formée par de longues perches entrelacées de broussailles. Au milieu de ce carré est une maison de terre, haute tout au plus de dix pieds. A part quelques misérables petites chambres à droite et à gauche, le tout consiste en un vaste appartement, qui sert à la fois de cuisine, de réfectoire et de dortoir. Quand les voyageurs arrivent, ils se rendent tous dans cette grande salle essentiellement sale, puante et enfumée. Un long et large kang est la place qui leur est destinée. Ou appelle kang une façon de fourneau qui occupe plus des trois quarts de la salle. Il s’élève à la hauteur de quatre pieds, et la voûte en est plate et unie : sur ce kang est une natte en roseaux ; les personnes riches étendent de plus sur cette natte des tapis de feutre ou des pelleteries. Sur le devant, trois immenses chaudières incrustées dans de la terre glaise servent à préparer le brouet des voyageurs. Les ouvertures par où l’on chauffe ces marmites monstrueuses, communiquent avec l’intérieur du kang, et y transmettent la chaleur : de sorte que continuellement, même pendant les terribles froids de l’hiver, la température y est très-élevée. Aussitôt que les voyageurs arrivent, l’intendant de la caisse les invite à monter sur le kang ; on va s’y asseoir, les jambes croisées à la manière des tailleurs, autour d’une grande table dont les pieds ont tout au plus cinq ou six pouces de hauteur. La partie basse de la salle est réservée pour les gens de l’auberge, qui vont et viennent, entretiennent le feu sous les chaudières, font bouillir le thé, ou pétrissent la