Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous en dépouiller. Nous pensâmes que le temps était venu de nous donner enfin un extérieur ecclésiastique, et conforme à la sainteté de notre ministère. Les intentions que nous manifesta à ce sujet notre Vicaire apostolique dans ses instructions écrites, étant conformes à notre désir, nous ne balançâmes point. Nous résolûmes d’adopter le costume séculier des Lamas thibétains ; nous disons costume séculier, parce qu’ils en ont un spécialement religieux, dont ils se revêtent quand ils prient dans les pagodes ou assistent à leurs cérémonies idolâtriques. Le costume des Lamas thibétains fixa par préférence notre attention, parce qu’il était conforme aux habits que portait le jeune néophyte Samdadchiemba.

Nous annonçâmes aux chrétiens de l’hôtellerie, que nous étions décidés à ne plus ressembler à des marchands chinois ; que nous voulions retrancher la queue, et raser entièrement la tête. Cette nouvelle mit en mouvement leur sensiblerie ; il y en eut qui parurent verser des larmes ; quelques-uns même cherchèrent par leurs discours à nous faire changer de résolution : mais leurs pathétiques paroles ne firent que glisser sur nos cœurs ; un rasoir, que nous prîmes dans un petit paquet, fut la réponse que nous donnâmes à leur argumentation. Nous le mîmes entre les mains de Samdadchiemba, et il suffit d’un instant pour faire tomber la longue tresse de cheveux que nous laissions croître depuis notre départ de France. Nous revêtîmes une grande robe jaune, qui s’ajustait sur le côté droit par cinq boutons dorés ; elle était serrée aux reins par une longue ceinture rouge ; par-dessus cette robe nous passâmes un gilet rouge, terminé à sa partie supérieure par un petit collet de ve-