Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/49

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devoir prendre plus de précautions que les jours précédents. Avant que la nuit se fît, nous ramenâmes le cheval et le mulet, et nous les attachâmes à deux clous fixés à l’entrée de la tente. Nous fîmes accroupir nos chameaux à l’entour, de manière à intercepter tout passage. D’après ces dispositions, personne ne pouvait venir jusqu’à nous sans que nous en fussions avertis par les chameaux qui, au moindre bruit, poussent des cris capables d’éveiller l’homme le plus profondément endormi. Enfin, après avoir suspendu à une des colonnes de la tente notre lanterne de voyage, que nous laissâmes allumée durant la nuit entière, nous essayâmes de prendre un peu de repos. Cette nuit fut pour nous une longue insomnie ; quant au Dchiahour, que rien ne troublait jamais, nous l’entendîmes ronfler de toute la force de ses poumons jusqu’à l’aube du jour.

Nous fîmes de grand matin nos préparatifs de départ ; car nous avions hâte de quitter cet endroit mal famé, et d’arriver à Tolon-Noor, dont nous n’étions plus éloignés que de quelques lieues.

Sur la route, un cavalier, qui venait avec impétuosité, s’arrêta brusquement devant nous. Après nous avoir fixés un instant : « Vous êtes les chefs des chrétiens des Gorges-contiguës ? » nous dit-il. Sur notre réponse affirmative, il continua sa route au galop, en tournant quelquefois la tête pour nous considérer encore. C’était un Mongol, qui avait l’intendance des troupeaux des Gorges-contiguës. Il nous avait souvent vus dans cette chrétienté ; mais l’étrangeté de notre nouveau costume l’avait empêché de nous reconnaître. Nous fîmes encore la rencontre des Tartares, qui,