Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/54

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trottoir, les charrettes, les caravanes de chameaux et de mulets se traînent péniblement dans une boue noire, puante et profonde. Il arrive assez souvent que les voitures versent ; et alors il serait difficile d’exprimer le désordre et l’encombrement de ces misérables rues. Les animaux meurent étouffés dans la boue ; les marchandises périssent, ou tombent entre les mains des filous qui accourent en foule augmenter la confusion.

Malgré le peu d’agréments que présente Tolon-Noor, malgré la stérilité de ses environs, l’extrême froidure de l’hiver et les chaleurs étouffantes de l’été, la population de cette ville est immense, et le commerce y est prodigieux. Les marchandises russes y descendent par la route de Kiakta ; les Tartares y conduisent incessamment de nombreux troupeaux de bœufs, de chameaux et de chevaux ; à leur retour, ils emportent du tabac, des toiles et du thé en briques. Ce perpétuel va-et-vient d’étrangers, donne à la population de Tolon-Noor un aspect vivant et animé. Les colporteurs courent dans les rues offrir aux passants les objets de leur petit commerce ; les marchands, du fond de leurs boutiques, appellent et agacent les acheteurs par des paroles flatteuses et courtoises ; les Lamas, aux habits éclatants de rouge et de jaune, cherchent à se faire admirer par leur adresse à conduire au galop, dans des passages difficiles, des chevaux fougueux et indomptés.

Les commerçants de la province du Chan-Si sont ceux qui sont en plus grand nombre dans la ville de Tolon-Noor ; mais il en est peu qui s’y établissent d’une manière définitive. Après quelques années, quand leur coffre-fort est suffisamment rempli, ils s’en retournent dans leur pays.