Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/57

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homme venu du Thibet. Un Lama quelconque, qui a fait un voyage à Lha-Ssa, est assuré d’obtenir à son retour la confiance de tous les Tartares. Il est regardé comme un homme supérieur, comme un voyant aux yeux duquel ont été dévoilés tous les mystères des vies passées et futures, au sein même de l’éternel sanctuaire, et dans la terre des esprits[1].

Après avoir mûrement réfléchi sur tous les renseignements que nous avions obtenus des Lamas, il fut décidé que nous dirigerions notre marche vers l’Occident. Le 1er octobre, nous partîmes de Tolon-Noor ; et ce ne fut pas sans peine que nous parvînmes à traverser cette misérable ville. Nos chameaux ne pouvaient avancer à travers ces bourbiers, que par trébuchements et soubresauts. Les charges chancelaient, branlaient sans cesse ; à chaque pas, nous tremblions de voir nos pauvres bêtes de somme perdre l’équilibre, et aller rouler dans la boue. Nous étions heureux, quand nous pouvions rencontrer quelque part une place un peu sèche pour faire accroupir les chameaux, et sangler de nouveau notre bagage. Samdadchiemba enrageait ; il allait et venait sans proférer une seule parole, il se contentait de manifester son dépit en mordant ses lèvres.

Quand nous fûmes arrivés à l’extrémité de la ville, vers la partie occidentale, nous n’avions plus de cloaques à traverser ; mais nous tombions dans un autre embarras. Devant nous, point de route tracée, pas le moindre sentier ; c’était une longue et interminable chaîne de petites collines, d’un sable fin et mouvant, sur lequel nous ne

  1. (l) Lha-Ssa (terre des esprits) est appelé en langue mongole Monhe-Dchot (sanctuaire éternel).