Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/61

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avions dormi une nuit de notre vie, nous voulûmes y laisser un souvenir, un ex-voto de reconnaissance : nous plantâmes une petite croix de bois à l’endroit où avait été notre foyer de la veille, et cette règle fut dans la suite suivie dans tous nos autres campements. Des Missionnaires pouvaient-ils laisser une autre trace de leur rapide passage à travers le désert ?

Nous avions fait tout au plus une heure de chemin, lorsque nous entendîmes derrière nous comme le piétinement de nombreux chevaux, et le bruit confus et indéterminé de plusieurs voix. Nous tournâmes la tête, et nous aperçûmes dans le lointain une nombreuse caravane, qui s’avançait vers nous, à pas rapides. Bientôt nous fûmes atteints par trois cavaliers, et l’un d’eux, qu’à son costume nous reconnûmes pour un Mandarin tartare, s’écria d’une voix étourdissante : « Seigneurs Lamas, votre patrie où est-elle ? — Nous sommes du ciel d’occident. — Sur quelle contrée avez-vous fait passer votre ombre bienfaitrice ? — Nous venons de la ville de Tolon-Noor. — La paix a-t-elle accompagné votre route ? — Jusqu’ici nous avons chevauché avec bonheur… Et vous autres, êtes-vous en paix ; quelle est votre patrie ? — Nous sommes Khalkhas, du royaume de Mourguevan. — Les pluies ont-elles été abondantes ? vos troupeaux sont-ils en prospérité ? — Tout est en paix dans nos pâturages. — Où se dirige votre caravane ? — Nous allons courber nos fronts devant les Cinq-Tours… » Pendant cette conversation brusque et rapide, le reste de la troupe arriva. Nous étions tout près d’un ruisseau dont le rivage était bordé de broussailles. Le chef de la caravane donna ordre de faire halte ; et aussitôt les chameaux,